
Mais qu’est-ce que Starbucks ? Un MacDonald du café (mais chuuut ! ne le répétez pas, mon patron me reprocherait ce manque évident de patriotisme) qui propose d’ailleurs des cafés pas si excellents que ça et multitude d’autres boissons gourmandes qui feraient hurler un nutritionniste (mais il faut admettre que les calories, il n’y a rien de mieux), des pâtisseries chères et pas toujours correctement décongelés (mais où trouver un meilleur cheesecake dans la capitale ?) et une connection Wifi peu abordable (4euros l’heure).
Effectivement Starbucks, ce n’est pas pour les pauvres mais étrangement les pauvres sont toujours attirés par ce qu’il leur semble cher et inaccessible. Un chocolat chaud dans un gobelet pour 4euros, ça fait cher du Banania mais quelle frime de pouvoir se promener avec ça ! Starbucks ne vend pas du café, il vend du pathétisme.
Concernant la vie à l’intérieur du Starbucks, c’est un enchantement de tous les jours. Après vous avoir affublé d’un superbe tablier vert (qui sera sans conteste la couleur phare de la collection printemps-été 2008) et de t-shirts trop grands (taille américaine oblige), vous pouvez arborer votre sourire le plus commerçant. Ne craignez rien, les USA vous prennent en charge. Formation du café, dégustation de cafés, conception du café,… : le café sera le seul mot et breuvage en bouche. On vous apprendra à faire toutes les boissons dans les règles de l’art et les premiers jours, vous serez même fier d’exhiber vos talents à vos amis. Puis la magie s’estompe. Les clients sont stupides : ils ne savent pas prononcer le nom de leur boisson, oublient leur commande exactement 30 secondes après l’avoir passé, veulent absolument prendre à emporter même s’ils restent sur place (parce que le logo est plus gros sur les gobelets que sur les mugs et permet une meilleure visibilité, idéale pour la frime). Pour votre intégration, vous devrez apprendre les termes d’usage : on ne passe pas la serpillière mais la « mop », on ne prend pas une pause mais un « break », on fait soit une « open », soit un « middle », soit une « close » et enfin on ne fait pas une décongélation mais une « cuisson » (vous croyez vraiment qu’un boulanger-pâtissier nous accompagne ?) Bien-sûr rien de tout ceci n’enlève à la qualité du produit. Les boissons y sont bonnes, les pâtisseries appétissantes et le sourire du vendeur constamment figé. Avec un peu de chance, on se rappellera de votre prénom, ce qui vous donnera alors l’illusion que dans ce monde d’individualistes, vous ne passez pas inaperçu. Re-pathétique.
Les employés sont généralement jeunes, moins de 26 ans en moyenne. Ne bénéficiant plus ou bientôt plus, de la carte 12-25, ils vendent leur temps en échange de quelques pièces. Pour avoir le sentiment d’être utiles et d’être reconnus dans leur travail, ils se font la course aux prix Mug (petite gratification sous forme de pin’s –tellement tendance- exhibés sur leur tablier). « Moi, j’en ai plus que toi », retour à la cour de récréation. Les plus ambitieux veulent devenir shifts, ce qui finalement prouve un manque certain d’ambition. Et ceux qui ne souhaitent pas le devenir, deviennent des parias qui ne comprennent pas leur chance. La politique générale favorise le respect des producteurs de cafés, selon les principes non avoués du commerce équitable (puisque ce terme est l’unique propriété de Max H) mais dans la boutique, n’espérez pas tant de considération. Le Code du Travail est une légende que personne ne fréquente. Ici, c’est l’usine : pointage des horaires, chronométrage des tâches, productivité à son maximum.
Le rêve américain ? Il est mort, enterré et digéré. Testez Starbucks pour ne pas être en reste, mais frimez en dénichant un café plus cosy que personne ne connaît et où le barman vous connaîtra réellement. Mais avant de partir, goûtez le cheesecake, je me porte garant.